Un premier festival de poésie,
« sans le secours des cartes d'état-major »,
du 1er au 3 Août 2019, à Bédarieux

Libre et altière, ainsi, a surgi la parole créatrice dans ce festival Poésie Debout, de haute tenue, que le prestigieux parrain, André Velter, voyageur au long cours, a placé sous deux figures tutélaires d'envergure, Antonio Machado et René Char.
Au premier, poète espagnol, auteur des Champs de Castille, ayant résisté au franquisme, il a rendu hommage dans son récital « La boîte aux lettres » accompagné par le talentueux Gaspar Claus au violoncelle, grâce auquel l'écrin de la musique laisse s'élever la voix témoin relatant comment la fameuse boîte aux lettres de la tombe d'Antonio Machado, à Collioure, reçoit encore aujourd'hui des missives d'espérance partagées par nos contemporains nourris de la parole du poète exilé...
Au second, géant protecteur des êtres et des lettres, Capitaine Alexandre, en chef de réseau de la Résistance pendant l'Occupation, auteur des Feuillets d'Hypnos, « allié substantiel » qui a par ailleurs rencontré l'auteur André Velter, dans son hommage « L'éclair me dure », ce dernier a offert en « un héritage précédé d'aucun testament » sa parole d'humanisme de combat rendue au grand homme, verbe contracté à l'essentiel, dans lequel il a joint sa propre écriture, et porté à incandescence par les cordes sauvages du même Gaspar Claus...
Enfin, puisque l'ouvreur d'espace, André Velter, en poète de l'éternel présent, est un des héritiers de la poésie de René Char, il a offert une performance de poèmes et chansons, accompagné à la guitare et au chant cette fois-ci par Olivier Deck, « Énergie noire », en périple dans les marges où se redessine l'horizon, en éclats de vigueur...
D'autres performances si intenses ont jalonné ces trois jours de voyage en terres de poésie, du parcours sensoriel de dégustation de mets et de mots, de vins ou produits régionaux et de chants exaltant l'ivresse, sous les notes jazzies du trio « Onda » de Thierry Riou et les déclamations de Sylvain Stawski de la « D8 Cie » au spectacle hommage à Antonio Machado par Anne Alvaro, Pedro Soler et Gaspar Claus : « Caminante », en passant par la rencontre de cinq poètes au féminin, qui animent la création contemporaine, Béatrice Bonhomme, Isabelle Bonat-Luciani, Claire Musiol, Lili Frikh, Marlène Tissot ainsi que les entretiens sur les liens étroits entre poésie et chanson avec Sophie Nauleau, illustrés par le concert de Thierry Riou et l'Air du temps invitant à écouter des poèmes mis en musique par des grands de la chanson française, et sans oublier « Sur les pas de Jalal-Eddine-Rûmi » par Jean-Claude Carrière et Nahal Tajadod dans une extase où le poète Rûmi invite à se fondre dans l'autre et aspirer au silence... À noter aussi un portrait à l'instinct d'Antonio Machado par Ernest Pignon-Ernest pour affiche du festival !
Favorisant toujours les alliances entre amateurs passionnés de poésie et création contemporaine, « la poésie est dans la place » aura également rendu possible l'expression littéraire de participants, ainsi que « la poésie est au cinéma » la diffusion, parmi d'autres mises en images, de Poésie sans fin d'Alejandro Jodorowsky ou de Liberté, 13 films poèmes de Paul Éluard...
Fière et debout donc, cette première manifestation poétique augure des futures éditions tout autant enthousiasmantes ! Une fort belle initiative, à saluer !

Rémy Soual