Parution mensuelle

No 723

AVRIL 2024

OLÉ ! A

COUP DE CRAYON D'OLÉ !

OLÉ ! A LU

QUICòM DE ROGE
DE LAURENT CAVALIÉ
“Dans le pays qui me porte, la langue occitane se nomme la “lenga nòstra”. La langue y forge le collectif. Une langue largement abîmée par la société industrielle, mais qui lui survivra, parce qu’elle est née bien avant, et qu’elle n’a pas eu le loisir de nommer et de faire exister ce monde en fin de vie” : c’est sur la confidence d’une telle pensée, singulière, qui implique, que s’ouvre la magnifique anthologie de textes qui jalonnent tout le parcours de poète, de chanteur, de musicien, et d’homme engagé de Laurent Cavalié et qui tiennent chacun comme un éclat abrasif de ce “Quelque chose de rouge” qui vibre au cœur, au vif, couleur vitale, par-delà symboles et drapeaux, autrement dit à travers eux, et surtout au-delà !
La sélection des poèmes, des chansons, des fragments en regard est rigoureuse, chaque noyau apportant sa pierre à l’édifice, dans cette double page mettant en parallèle la langue occitane et sa traduction française, toutes les deux résonnant en échos. Les lecteurs pourront y approfondir à loisir leur itinérance tant au fil des chemins des garrigues que ceux des embuscades d’une société n’appréciant guère ce genre d’escapades, pour mieux apprendre à contourner, détourner ces derniers, tout à la fois les traverser et leur échapper, pour retrouver les sentiers si prometteurs d’un monde meilleur, grâce notamment à l’examen critique en fin d’ouvrage de l’origine de chacun de ces joyaux ainsi que quelques analyses essentielles…
Témoins de cette recherche personnelle du troubadour moderne, deux textes se révèlent majeurs pour entrevoir l’étroite relation entre l’esthétique et l’éthique au cœur de la poétique de Laurent Cavalié, un discours prononcé en septembre 2021, dans le but d’accueillir une délégation de militants zapatistes du Chiapas (Mexique) prononcé par le collectif d’organisation du Festival des luttes populaires formant le vœu de participer également, dans cette précieuse articulation entre le local et le global, à “une terre rebelle, inventive et résistante” ainsi que la Lettre d’un chanteur occitan aux militants décoloniaux adressant à vous, à nous, à chacun : “Et nous là-dedans ?”, forte de ce constat commun : “Tout ce qui fut détruit est à réinventer. Quels imaginaires peuvent naître du cataclysme ?”
La parole de l’auteur dans sa portée hautement politique, en ce sens d’écrire les possibles d’un pronom personnel “nous” qui fasse de chaque “tu” et chaque “je” des êtres pleinement libres, ne dessine d’autres contrées que celui d’un chant qui s’élève vers le concept forgé par cet autre poète qu’est Édouard Glissant : le “Tout-monde” d’où fuse le titre emblématique de L’èrba-monde dont les images se goûtent comme autant de fulgurances vers un horizon plus vaste : “La terre peut vagabonder, le loup-monde rôder, / mon chant-monde jaillira.”

Rémy Soual

Quicòm de roge - Laurent Cavalié - Éditions La Lenteur

OLÉ ! A LU

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